Ayant la création d'Apollinaire pour prétexte et pré-texte(s), nous offrons au lecteur une étude sur des thèmes qui gravitent autour des aspects modernes et modernistes de l'oeuvre de celui qui était non seulement un compagnon de route des plus grands esprits avant-gardistes de son époque, mais, d'abord, poète, artiste et critique d'art dont « l'esprit nouveau » avait eu une force de novation. Comme le souligne avec beaucoup de justesse Willard Bohn dans son article « Apollinaire et les avant-gardes », l'auteur de « Zone » « était fréquemment décrit dans les cercles d'avant-garde comme le fondateur de la poésie moderne. On peignait Apollinaire surtout comme un explorateur esthétique, comme quelqu'un qui avait découvert de nouveaux domaines artistiques. Plusieurs auteurs l'ont comparé à Christophe Colomb à cause de son habileté à naviguer sur mers inconnues. D'autres l'ont comparé à Marco Polo à cause de son talent à traverser des frontières lointaines. Apollinaire s'était engagé non seulement dans une quête épique, d'ailleurs, mais dans une bataille épique pour la suprématie artistique. Porte-parole principal du cubisme, en littérature comme en art, il était chargé de le défendre contre la 'menace' représentée par Marinetti et ses collègues. Si l'étoile de Marinetti était destinée à graduellement baisser, celle d'Apollinaire a continué à monter de 1918 jusqu'à nos jours ». L'étude s'articule autour de quelques axes thématiques principaux : Apollinaire — entre tradition(s) et modernité(s) ; Apollinaire critique d'art ; Apollinaire et les avant-gardes ; les influences et les échos apollinariens dans la poésie européenne et mondiale.
En tant que définition du caractère constellaire des phénomènes modernistes/modernes qui s'éloignent du centre artistique vers les périphéries pour retourner ensuite vers le centre, la « parallaxe culturelle » peut considérer Apollinaire comme son ambassadeur de confiance. Il fut pourtant l'un des premiers à utiliser d'abord les découvertes modernistes pour les inscrire dans le courant des théories d'avant-garde radicales (du cubisme au surréalisme en passant par le dada) pour devenir l'initiateur de nombre de propositions esthétiques, plutôt locales, ad hoc, de moindre portée (intégralisme roumain et artificialisme tchèque, deux exemples parmi d'autres) propres à l'avant-garde, puis la néo-avant-garde (ne serait-ce que le signalisme serbe). Ce contexte nous permet désormais de revaloriser l'oeuvre de l'auteur même d'Alcools, ayant pour point de repère non seulement la perspective moderniste avec la recorporalisation du sujet au premier plan, mais également et peut-être avant tout, les cent ans d'évolution des formes d'expression artistique modernistes, avant-gardistes, expérimentales. Les auteurs proposés par le présent volume procèdent ainsi dans leurs textes qui témoignent irréfutablement combien est actuelle la conviction que la note apollinarienne continue de résonner dans les nombreuses interprétations contemporaines.
Jakub Kornhauser, Wactaw Rapak, Avant Apollinaire. Le(s) modernisme(s) en tant que recorporalisation du sujet pensant
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